Fidèle à sa volonté de réhabiliter des musiciens injustement oubliés, Philippe Jaroussky consacre ce nouveau disque à Antonio Caldara. Contemporain de Bach, Haendel et de Vivaldi, ce compositeur connut une gloire éclatante au XVIIIe siècle et fut le premier à mettre en musique les livrets de Métastase et de Zeno.
La carrière de Philippe Jaroussky n’est pas sans évoquer les triomphes éclatants que connurent les castrats à l’époque baroque. Qu’il se produise en récital ou à l’opéra, le jeune contre-ténor français fait salle comble et subjugue le public par une voix qui a gagné en ampleur et en maturité sans rien perdre de sa grâce androgyne. Cet instrument exceptionnel, Philippe Jaroussky le met au service d’une curiosité passionnée pour les œuvres méconnues des XVIIe et XVIIIe siècles. Dès que son emploi du temps le lui permet, il se rend dans les bibliothèques des grandes capitales européennes afin d’y consulter les partitions de musiciens aujourd’hui oubliés et d’y découvrir de véritables joyaux. « J'aime faire ces recherches par moi-même. Toucher les manuscrits autographes, avoir ce rapport physique avec l'oeuvre que l'on manipule avec soin, un contact direct avec l'époque. Ce côté chasse au trésor me plaît ! », confiait-il récemment au magazine Early Music Today.
Avec ce nouveau disque, Philippe Jaroussky a décidé de mettre en lumière l’œuvre d’un compositeur dont le nom n’est plus connu que d’une poignée de mélomanes : Antonio Caldara. Or, Caldara a été en son temps aussi célèbre que ses contemporains Bach, Haendel ou Vivaldi, et a connu comme eux les fastes d’une carrière marquée au sceau de la prolixité et du succès. Né vers 1671 à Venise, il manifesta des dons précoces et occupa très vite des fonctions officielles dans les plus prestigieuses cours européennes : maestro di cappella da chiesa e del teatro auprès du Duc de Mantoue, maestro di cappella du Prince Ruspoli, qui fut le protecteur du jeune Haendel à Rome, puis, après un détour par Barcelone et Milan, Vizekapellmeister à la Cour impériale de Vienne où devait se dérouler l’essentiel de sa carrière.
Si Philippe Jaroussky s’est concentré sur la production autrichienne de Caldara, c’est parce que la Vienne des Habsbourg constituait à cette époque, sous l’impulsion du très mélomane Charles VI, un véritable âge d’or musical : désireux de faire démonstration de sa puissance politique par la musique, l’Empereur avait inclus dans son calendrier officiel des festivités aussi nombreuses que luxueuses. Caldara eut ainsi l’occasion de composer de très nombreux opéras sur des livrets de Zeno et de Métastase qu’il fut le premier à mettre en musique. Les arias de ce Caldara in Vienna – dont la plupart sont enregistrées en première mondiale – ravivent donc la mémoire de ces spectacles somptueux que magnifièrent les plus grands castrats de l’époque, parmi lesquels le fameux Orsini. Toutes sont extraites d’opéras que Caldara composa sur des livrets écrits spécialement pour lui par Métastase : La Clémence de Titus, soixante ans avant Mozart, L’Olimpiade que mirent également en musique Vivaldi, Pergolesi et Hasse, mais aussi Demofoonte qui devait inspirer par la suite plus de soixante-dix compositeurs, dont Gluck, Paisiello, Piccini Graun et Cherubini. Caldara y décline toute la palette des affects baroques avec un art consommé de l’opera seria. D’inspiration tour à tour tragique ou pastorale, ces déplorations, airs de fureur ou de sommeil sont magnifiées par un Philippe Jaroussky au sommet de ses moyens.
Ce tour de force musicologique et vocal, Philippe Jaroussky l’avait déjà accompli avec La Dolce Fiamma, son précédent récital consacré à Johann Christian Bach. La presse internationale s’est autant enthousiasmée pour la musique de ce compositeur injustement oublié que pour l’interprétation du contre-ténor : « Pouvoir d’émotion envoûtant ; virtuosité transcendante… et surtout, beauté suprême de la musique. C’est tellement beau – et tellement bien chanté – qu’on attend avec impatience les da capo. » (Opéra Magazine) ; « Jaroussky : un peu de mystère, beaucoup de douceur, de nuances… la magie fait le reste. Et la musique ? Une merveille, et je pèse mes mots ! Jaroussky est à son meilleur. Ce qui chez d’autres ne serait que prouesse devient pur enchantement » (Diapason).
Caldara in Vienna est le huitième récital que Philippe Jaroussky enregistre en solo pour Virgin Classics. Il retrouve pour l’occasion Emmanuelle Haïm qui l’avait déjà dirigé en 2007 dans Carestini: The story of a castrato, un CD qui avait été conçu comme un portrait musical du célèbre castrat. La collaboration de ces deux musiciens passionnés et perfectionnistes avait valu à cet enregistrement d’être sacré « Disque de l’Année » aux Victoires de la Musique 2008 et aux Midem Classical Awards en 2009, et de recevoir le 10 de Classica-Répertoire ainsi que le Timbre de Diamant d’Opéra Magazine.