Artistes présents:
Natalie Dessay, Laurent Naouri, Véronique Gens, Le Concert d'Astrée, Rolando Villazón, Philippe Jaroussky, Patrizia Ciofi, Joyce DiDonato
La lamentation est assurément le motif récurrent de cette sélection de musique vocale du baroque italien, mais la pléiade d’artistes ici réunie n’offre que des occasions de se réjouir. Après son récent enregistrement du Magnificat de Bach et du Dixit Dominus de Handel pour Virgin Classics, servi par une distribution all-star, Emmanuelle Haïm a convoqué une équipe de chanteurs exceptionnels et très différents les uns des autres pour interpréter ces pièces vocales de Monteverdi, Carissimi, Cesti, Landi et Strozzi.
Forme littéraire autant que dramatique, le lamento a atteint son apogée musical au XVIIe siècle avec le Lamento d’Arianna de Monteverdi, fragment d’un opéra perdu. La princesse abandonnée est ici chantée par Véronique Gens, qui a frappé les esprits à la sortie de Tragédiennes, son précédent récital chez Virgin Classics. Une autre femme abandonnée, une nymphe cette fois-ci, est incarnée par Natalie Dessay, qui prête une délicatesse de sylphide à ce Lamento della ninfa que Monteverdi publia dans son Huitième Livre de Madrigaux. La déploration d’Orphée a été confiée au tempérament passionné du chanteur mexicain Rolando Villazón, probablement le protagoniste le plus inattendu de l’enregistrement qu’Emmanuelle Haïm réalisa en 2006, pour Virgin Classics, du Combattimento di Tancredi e Clorinda. Enfin, Joyce DiDonato, la superbe mezzo américaine qui vient de signer un contrat d’exclusivité avec EMI/Virgin Classics, complète ce programme monteverdien : elle revêt les oripeaux tragiques d’une impératrice déchue dans cet extrait de L’Incoronazione di Poppea où Octavie fait ses adieux à Rome.
Plus récente est l’histoire royale que Patrizia Ciofi aborde avec une grâce fragile dans le Lamento di Maria Stuarda de Carissimi, tandis que Philippe Jaroussky cisèle de sa somptueuse voix de contre-ténor le monologue spectaculaire que Barbara Strozzi composa sans doute pour le chanter elle-même : L’Eraclito amoroso. Le Finlandais Topi Lehtipuu, décrit par le Daily Telegraph comme « un jeune ténor lyrique parmi les plus élégants et musiciens qui ont émergé depuis une dizaine d’années », dresse le portrait d’Énée dans un lamento de Cavalli. Le baryton britannique Christopher Purves donne toute la mesure de son ambitus stylistique – il est également un Wozzeck d’exception – dans une pièce de Landi. Quant au baryton basse-français Laurent Naouri, il apporte une souveraine autorité au roi de Béotie, Atamante, dans l’aria Dure noie de Cesti. Pour compléter cette affiche prestigieuse, le timbre opulent de la mezzo canadienne Marie-Nicole Lemieux et celui du jeune ténor britannique Simon Wall apportent une nouvelle preuve de ce que les amateurs de beau chant n’ont aucune raison de se lamenter…