Voici l’enregistrement en studio du somptueux opéra d’Agostino Steffani Niobe, Regina di Tebe, composé en 1688 et présenté en création mondiale. L’œuvre a fait sensation auprès du public au moment de sa première production moderne en 2008.
Philippe Jaroussky a créé l’opéra aux Etats-Unis au Boston Early Music Festival en 2011, avec Karina Gauvin dans le rôle-titre de la Reine de Thèbes, personnage fier au destin tragique.
Niobe, Regina di Tebe d’Agostino Steffani (1654-1728) a fait sensation auprès du public lorsqu’on l’a redécouvert et mis en scène en Allemagne dans sa première production moderne en 2008 au Festival de Schwetzingen. Cette musique pleine d’expression a attiré des chanteurs de premier ordre comme le contre-ténor Philippe Jaroussky – qui la décrit comme “un pont idéal entre Monteverdi et Haendel” – et la soprano Karina Gauvin, les deux stars de cette création mondiale en studio, réalisée à l’automne 2013 en collaboration avec le Boston Early Music Festival et Radio Bremen.
Philippe Jaroussky incarne le Roi Anfione de Thèbes. Il figurait déjà dans les premières représentations américaines de Niobe à Boston en 2011. Le New York Times a commenté ainsi la production: “Une distribution bien équilibrée … dans laquelle se détache clairement le contre-ténor Philippe Jaroussky, qui alterne puissance et douceur et a donné de son personnage un portrait tout en nuances.” Comme l’observait le Boston Globe quelques mois plus tard, “sa voix se caractérise par un timbre pur et limpide, une agilité aérienne, et une maîtrise élégante de la nuance qui lui permet de faire jouer en une seule phrase une multitude de couleurs.”
Lorsque Niobe, créé en 1688, a été monté au Royal Opera House de Londres en 2010, The Independent résuma ainsi l’oeuvre et les raisons de son attrait pour le public: ”Le désir, l’ambition et la douleur sont exprimés de façon extravagante, mais resserrés … Les arias sont brillantes et riches, dynamisées par de vigoureuses basses obstinées, interrompues par de bruyantes timbales, ou enveloppées de volutes de viole de gambe … A la fois compositeur, diplomate et théologien, Steffani savait comment susciter l’intérêt de ses auditeurs, assaisonnant l’orgueil maternel de Niobe avec des ingrédients comme l’adultère, des sorts qu’on jette, des machinations politiques, des intrigues sentimentales secondaires et l’incontournable nourrice qui fait des commentaires sardoniques sur la folie humaine. L’opéra a été créé pendant le Carnaval de Munich, et convenait parfaitement à ce genre d’occasion. On y voit aussi les différentes influences musicales de la carrière de Steffani: la formation en stile antico, une immersion précoce dans l’opéra vénitien, et un voyage décisif à Paris, où régnait Lully.”
Ecrit d’après les Métamorphoses d’Ovide, le point culminant de l’opéra combine drame et tragédie: pour punir la Reine Niobé de son orgueil maternel et de son manque de respect envers les Dieux, ils tuent ses 14 enfants. Sa douleur est telle qu’elle se change en pierre, tandis que son mari le Roi Anfione se suicide. Comme l’écrivait Opera Today après la prestation de Jaroussky à Boston en 2011: “Jaroussky a chanté avec émotion dans le pur style du contre-ténor. Ses ornementations étaient de pur style français anciens, s’attardant sur les mots ‘tormenti’, pleurant sur les ‘pianti’ et enfin, (après s’être poignardé) mourant sur un délicieux mélisme presque chuchoté.”
“Ce que j’aime dans mon personnage, Anfione, c’est qu’il est Roi mais voudrait renoncer au pouvoir pour simplement composer de la musique” explique Jaroussky. “Il est un peu comme Orphée. Au milieu de l’opéra, par son seul chant il construit de nouvelles murailles pour défendre sa ville … Sa musique est particulièrement belle. Niobe est une oeuvre immense et représente un défi, et elle me demande de chanter dans toute l’étendue de mon registre. Elle est écrite dans un style très exceptionnel: très virtuose et très touchant. Steffani était un compositeur très original qui a contribué à faire progresser le style musical entre les époques de Monteverdi et Haendel. Parfois sa musique évoque celle de Cavalli, parfois le jeune Haendel – elle est très inspirante.”
En plus de Karina Gauvin – remarquable interprète Haendelien et appréciée par le Sunday Times pour “son soprano brillant, éclatant mais aussi plein et sensuel … – la distribution comprend la soprano américaine Amanda Forsythe dans le rôle de la jeune prêtresse Manto (en fait elle a chanté le role de Niobe à Boston en 2011) et le ténor Suisse Terry Wey incarnant le Prince thessalonien Creonte. Co-directeurs du Boston Early Music Festival, Paul O’Dette et Stephen Stubbs se partagent la direction musicale. “La découverte de ce chef d’œuvre inconnu a été très passionnante,” dit O’Dette. “Niobe est une œuvre extraordinaire – avec une musique à couper le souffle et une très grande intensité dramatique.”