Artistes présents:
Jérôme Ducros, Renaud Capuçon, Gautier Capuçon, Emmanuel Pahud
Star des contre-ténors, Philippe Jaroussky délaisse les fastes de la virtuosité baroque le temps de cette incursion dans le domaine de la mélodie française Belle Époque. Il s’est entouré pour l’occasion de quatre solistes parmi les plus talentueux de la jeune génération française.
En quelques années, Philippe Jaroussky s’est imposé comme une étoile unique dans le firmament pourtant brillant des contre-ténors actuels. C’est dans le répertoire baroque que son art s’est tout naturellement épanoui : sa voix éthérée mais sensuelle, sa virtuosité sans faille et son phrasé délicat en ont fait l’interprète privilégié des œuvres italiennes des XVIIe et XVIIIe siècles - oeuvres qui permirent aux castrats d’étinceler de mille feux. Ainsi a-t-il ressuscité les fastes de partitions flamboyantes auxquelles il prête une grâce éphébique et un héroïsme spectaculaire. Le public ne s’y est pas trompé, qui accourt toujours plus nombreux pour l’applaudir, et chacune de ses apparitions sur les scènes lyriques internationales crée l’événement. Sa discographie déjà abondante lui a valu des critiques dithyrambiques et des prix innombrables. Ainsi a-t-il été couronné « chanteur masculin de l’année » par le prestigieux Echo-Klassik Musikpreis en Allemagne, pour son disque publié chez Virgin Classics en 2008 : Carestini : The story of a castrato. Heroes, son précédent récital consacré aux airs d’opéra de Vivaldi, s’est vendu à plus de 120 000 exemplaires, et Carestini à plus de 90 000.
Aujourd’hui, Philippe Jaroussky investit un nouveau territoire musical avec ce disque consacré aux mélodies françaises de la fin du 19e et du début du 20e siècles. Opium emprunte son titre à une mélodie de Saint-Saëns pour mieux évoquer l’esprit voluptueux, voire vénéneux et volontiers onirique de la Belle Époque. Cette sélection comprend des raretés absolues de Dukas, Caplet ou Chaminade, ainsi que des pièces plus célèbres de compositeurs comme Fauré, Chausson ou Hahn. Philippe Jaroussky se sent des affinités toutes particulières avec le raffinement et l’intimisme de ce répertoire rarement abordé par des contre-ténors. « Il est certain que ce disque constituera une surprise pour beaucoup. Ceux qui ont l’habitude de m’entendre dans le répertoire baroque tout comme les amoureux de la mélodie française se poseront sans doute la même question : pourquoi un contre-ténor dans ce répertoire ? (…) En effet, nous chantons la plupart du temps des musiques écrites pour les castrats qui, on le sait, possédaient une vocalité assez différente de la nôtre. De ce fait, pourquoi ne pas nous aventurer dans des univers musicaux qui peuvent sembler surprenants pour des contre-ténors, mais que nous sentons adaptés à notre voix ? »
Objet de salon, miniature raffinée destinée à mettre en valeur un poème, la mélodie française exige de son interprète un style châtié et une subtilité prosodique que peu de chanteurs, même français, possèdent. La poésie tout en nuances de Verlaine, qui voulait faire « de la musique avant toute chose », a inspiré un grand nombre de compositions figurant au programme de ce disque. Délaissant les prouesses virtuoses et la rhétorique codifiée de l’opéra baroque, Philippe Jaroussky s’attache à colorer par sa voix les sentiments en demi-teintes que suggère la ligne mélodique, et à dire le texte poétique sans affèterie déclamatoire. « J’ai choisi volontairement la prononciation la plus proche possible de la voix parlée actuelle, afin que les mots résonnent de la façon la plus naturelle dans l’imaginaire des auditeurs, en essayant d’écarter tout affect ou surinterprétation ». L’ingénuité androgyne de sa voix apporte un élément de trouble propre à exalter le décadentisme fin de siècle d’un Reynaldo Hahn, le symbolisme lunaire d’un Chausson, la volupté morbide d’un Saint-Saëns, de même que la nostalgie délicate d’un Fauré ou d’un Lekeu. L’adjonction d’une flûte, d’un violon et d’un violoncelle confère à ces mélodies, généralement accompagnées au seul piano, une qualité toute chambriste. Avec la complicité de Jérôme Ducros, Renaud et Gautier Capuçon, ainsi que d’Emmanuel Pahud, Philippe Jaroussky a composé un bouquet de mélodies dont le parfum capiteux entête et enchante.